La dérive cardiaque:

Faut-il en avoir ou…pas ?

Cette semaine un entraineur de club cycliste qui accompagnait un de ses poulains prometteur, me posait, l’air préoccupé la question suivante :

Kyllian ne parvient pas à avoir une dérive cardiaque dans sa séance de 30-30 !!

Et la semaine passée Éric me demandait inquiet s’il ne fallait pas à tout prix éviter la dérive cardiaque !

Cette fameuse dérive cardiaque ..dérivait elle elle-même selon les circonstances ? le type d’exercice et se changerait en mal ou en bien au gré des séances, de leur durée et intensité ?

Finalement on en arrive toujours à cette fameuse et satanée FC qui gouverne nos cœur…d’entraîneur, de physiologiste de l’exercice car nous avons vu qu’elle délimitait 80% de notre volume d’entraînement, ce fameux 80 des 80-20 à faire en endurance fondamentale soit pas plus de 65% de FC max !

Bon il est grand temps de siffler la fin de partie de cache-cache pour remettre le cœur à sa place : celle d’un ami loyal qui va suivre nos délires de sportif sans coup faillir (sauf pathologie cachée, course à très haute température et humidité et/ou infection et.). Même en haute altitude il ne va surtout pas dériver car souffrant du manque d’oxygène tout comme les muscles squelettique (oui il a un muscle le cœur : le myocarde qui ne tolère pas le manque d’oxygène), il se limite grâce également à la baisse de vitesse et au froid.

Alors nous allons ici répondre à Kyllian et son coach et à Éric le marathonien anxieux (pas bon pour le cœur l’anxiété).

Petit rappel de physio avec Gepetto en lui posant la bonne question : celle des différentes phases d’un exercice concernant la régulation cardiaque :

I. Pour le 30-30 commençons à voir ce qu’il se passe lorsque l’on ne fractionne pas son effort mais que l’on accomplit un temps limite continu à PMA ou vVO2max afin de pour répondre à Kyllian.

Geppetto a résumé mon travail pour vous et …pour moi, ce qui est cool car il fait le job de reprendre mes recherches et je n’ai plus qu’à vérifier qu’il ne dise pas trop de bêtises (et c’est précisément là que mon rôle de chercheur puis prof intervient ! Entre parenthèse je pleins les personnes qui doivent faire la part du vrai du faux pour les plus consciencieux qui « créent » du contenu sans le maîtriser car non à la …création …en fait ! 😂😉

I. Analyse physiologique du temps limite à vVO2Max inspiré de Véronique Billat


1. Régulation de la fréquence cardiaque au début de l’exercice

Dès les premières secondes d’un exercice, la fréquence cardiaque (FC) augmente rapidement selon deux phases principales :

🧠 Phase 1 : Régulation nerveuse (0 à 30 secondes) : au départ de la course et même de l’entraînement fractionné (30s-30s à PMA ou vVO2max alterné par 30s à 50% de PMA), nous avons :

  • Un Retrait parasympathique : au repos, le cœur est sous l’influence du système parasympathique (vagal), ce qui maintient une FC basse (~60–80 bpm).
  • La première réponse est un retrait rapide de l’influence vagale, permettant une augmentation immédiate de la FC (jusqu’à ~100 bpm).
  • Cette réponse est anticipatoire, déclenchée par l’activation du cortex moteur et des récepteurs proprioceptifs, indépendamment du besoin en oxygène.

🧠 Phase 2 : Activation sympathique (30 secondes à 2 minutes)

  • Le système nerveux sympathique prend le relais, libérant de la noradrénaline qui stimule les récepteurs β₁ du cœur.
  • Cela entraîne une augmentation supplémentaire de la FC, de la contractilité et du débit cardiaque (Q = FC × Volume d’éjection systolique) qui participe à l’augmentation de VO2 jusqu’à VO2max
  • La médullosurrénale libère également de l’adrénaline, amplifiant la réponse cardiaque.

2. Régulation de la FC pendant un effort à vVO₂max

La vVO₂max est la vitesse minimale qui permet d’atteindre la VO₂max. À cette intensité, le corps travaille à sa consommation maximale d’oxygène.

A. Montée rapide vers la FCmax

  • La FC continue d’augmenter jusqu’à atteindre un plateau proche de la FCmax (variable selon les individus).
  • Cette montée est due à une activation sympathique prolongée et à un stress métabolique (lactates, acidose, hypoxie).
  • L’activité parasympathique est quasiment absente à ce stade.

B. Fatigue neuromusculaire et centrale

  • À l’approche de l’épuisement, le système nerveux central peut réduire la stimulation sympathique pour protéger l’organisme.
  • Toutefois, les réflexes métaboliques et chimiques peuvent maintenir une FC proche de la FCmax.

3. Au moment de l’épuisement (Tlim à vVO₂max)

  • La FC est généralement au maximum, mais la performance chute en raison :
    • de l’accumulation de lactate et d’ions H⁺ → acidose métabolique,
    • de la diminution de la contractilité musculaire et du pilotage central,
    • d’un retour veineux réduit et d’un volume d’éjection abaissé.

📌 Tableau résumé

PhaseMécanismeComportement de la FC
Début de l’exercice (0–30 s)Retrait parasympathiqueAugmentation rapide
Effort initial (30 s–2 min)Activation sympathiqueNouvelle augmentation
Effort à vVO₂max (2–6 min)Stimulation cardiaque maximaleFC proche de la FCmax

Mais que se passe -il lors d’un temps limite à PMA fractionné en 30-30 comme lors de la séance réalisée en labo sur Cyclus par Killian ?

Pourquoi il ne parvient pas à obtenir une dérive cardiaque :

Tout simplement parce qu’il n’a pas assez de puissance (66 kg et 183 cm, 18 ans et 2 ans de cyclisme derrière lui avec une PMA de 360 watts : 5,45 watts/ kg ce qui est déjà bien pour ce jeune en pleine croissance sur le plan musculaire surtout).

La difficulté est de produire une accélération suffisamment forte pour avec une cinétique de montée rapide de FC nécessitant au bout de 3 répétitions surtout une activation sympathique à la suite de la récupération qui a surtout impliqué le frein vagal (parasympathique). Il a une mise en activation musculaire qui ne stimule pas assez cette activation sympathique qui est surplantée par l’activité du parasympathique efficace à chaque récupération de 30s.

Par conséquent Killian parvient à peine à remonter à 90% de son FCmax en dépit du fait qu’il soit à sa PMA à chaque répétition. Par conséquent son VO2max est atteint en toute fin de série de 15 répétitions de 30-30 grâce à une augmentation de l’utilisation périphérique de l’oxygène et non de son débit cardiaque (les deux composante centrales et périphérique de VO2 selon l’équation de Fick).

  VO₂ oscille entre 85 % et 95 % de VO₂max (soit entre 63,75 et 71,25 ml/kg/min) à partir de la 5e répétition.

  Fréquence cardiaque reste oscillante entre 85 % et 90 % de FC max (170–180 bpm).

  Puissance alterne toujours entre 50 % et 100 % de la PMA, avec un effet clair sur la réponse VO₂ post-répétition 4.

Analyse physiologique – Séance 30s PMA / 30s 50% PMA (Killian)

Ce document présente l’analyse des réponses physiologiques de Killian lors d’une séance de 15 répétitions de 30 secondes à PMA (360 W) suivies de 30 secondes à 50 % de PMA (180 W).

Profil de l’athlète

– Âge : 18 ans
– Taille : 183 cm
– Poids : 66 kg
– PMA : 360 W (5,45 W/kg)
– FCmax estimée : 200 bpm
– VO₂max estimée : 75 ml/kg/min

Résumé des réponses physiologiques

• Pendant les 4 premières répétitions, la fréquence cardiaque (FC) monte progressivement pour atteindre une zone oscillante stabilisée entre 85 % et 90 % de la FCmax (170 à 180 bpm).
• Le VO₂ suit également une montée progressive et atteint un plateau oscillant entre 85 % et 95 % de VO₂max après la 4e répétition, indiquant une forte sollicitation aérobie périphérique.
• L’absence de dérive cardiaque est liée à une bonne récupération parasympathique à chaque phase de 30 s à 50 % de PMA.
• La cinétique de montée de la FC reste lente, illustrant un manque de stimulation sympathique immédiate.
• L’atteinte de VO₂max est obtenue non par le débit cardiaque mais par une amélioration de l’extraction périphérique de l’oxygène (équation de Fick).

Alors dans ce cas l’absence de dérive cardiaque à FCmax tout au long de son entrainement fractionné alternant 30s à PMA et 30s à 50% de PMA est le fait d’une bonne récupération cardiaque à chaque phase de 30s à 50% de PMA et au défaut de puissance musculaire pour activer la FC suffisamment vite.

II. Analyse physiologique du marathon – Modèle inspiré de Véronique Billat

A présent rassurons Eric pour son marathon avec sa fameuse dérive cardiaque et là encore je m’appuis sur mes travaux mes expériences de terrain (avec mesures physiologiques complète sur 6 marathons depuis l’an 2000 et un membre de l’équipe de France  !!!

Figure : Réponses physiologiques pendant un marathon – Fréquence cardiaque, VO₂, vitesse et température corporelle interne.

Cette figure illustre la dissociation dynamique entre les réponses cardiovasculaires, métaboliques, mécaniques et thermiques durant un marathon, modélisée selon les observations de terrain et les travaux scientifiques du Pr. Véronique Billat.
https://publications.billatraining.com/

Voici la figure avec toutes les variables normalisées en pourcentage (%) de leur valeur maximale :

  • 🟥 Fréquence cardiaque, 🔵 VO₂, 🟢 Vitesse : exprimées en % de leur pic respectif.
  • 🟠 Température corporelle : exprimée en % de 39,5 °C, avec montée après 100 minutes.


🎓 Conclusion éducative
– La FC n’est pas un indicateur fiable de la performance mécanique en marathon.
– Un découplage entre effort interne et vitesse apparaît à mesure que la température monte.
– Cela souligne l’importance de :
  • stratégies de pacing individualisées,
  • gestion thermique (hydratation, acclimatation),
  • suivi multi systémique (et non centré uniquement sur la FC).

Bon ce n’est pas moi qui le dis mais Gepetto, certes un peu influencée par moi.

Au fait j’ai gagné une cardio-GPS au Loto de mon village…

Un comble* !!!!

Et pour le Final

A la question la dérive cardiaque en avoir ou pas ?

ON s’en fout car le plus fiable est de ne pas regarder sa FC pendant l’effort et de juste l’analyser APRES la séance selon le type d’effort l’interprétation ne sera pas du tout la même.

*  j’aurais préféré gagner l’épuche patate robot ! avec IA intégré pour régler la finesse selon s la patate est une charlotte ou une Agathe (douce France…le village de mon enfance et de ses lotos pas du tout sportifs en l’occurrence)

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