UTMB : Courir avec ses sensations, pas contre elles : les recettes du plaisir et de la performance personnelle

Vendredi 29 août, le spectacle sera total : le matin, la CCC s’élancera de Courmayeur (101 km et 6 050 m de D+), puis, le soir, ce sera le tour de la grande boucle de l’UTMB (174 km, 10 000 m de D+, à travers la France, l’Italie et la Suisse).
Plus de 3000 coureurs seront au départ, et l’histoire est connue : près d’un tiers abandonnera avant Chamonix. Pourquoi ? Pas par manque d’entraînement, mais souvent par mauvaise gestion de l’effort.

Mon message est simple : vous pouvez éviter l’abandon. Comment ? En suivant votre allure naturelle.

Peut-on vraiment se fier à ses sensations ?

La réponse est : oui… et non.
Depuis plus de 15 ans, dans notre laboratoire Billatraining à l’Université d’Évry, nous avons étudié comment l’organisme régule l’effort. Après avoir exploré les approches classiques (puissance constante, fréquence cardiaque constante, lactate constant), nous avons testé une hypothèse nouvelle :

👉 L’athlète ajuste sa vitesse ascensionnelle en fonction de la pression inspirée en oxygène (PIO₂), qui diminue avec l’altitude.

Nous avons donc porté le laboratoire sur le dos, en conditions réelles, sur les pentes du Mont-Blanc et ailleurs, parfois au prix de nuits blanches à recharger les batteries sous une table de refuge. Car la physiologie ne vit pas que sur tapis roulant.

Résultat : qu’on soit alpiniste expérimenté ou coureur de trail, dès qu’on a un VO₂max suffisant (≈ vVO₂max ≥ 15 km/h), on ajuste spontanément sa vitesse de montée avec une précision étonnante. La grande différence ?
– Les alpinistes chevronnés dépensent deux fois moins d’oxygène par mètre gravi que les novices.

Le cerveau, votre allié… et votre garde-fou

Nos études sur le marathon ont montré que le cerveau détecte très tôt (dès 20 km !) des signaux de fatigue : augmentation du coût énergétique, baisse de la variabilité de la vitesse.
👉 C’est ici que vous devez vous écouter.
Le danger n’est pas le manque de volonté, mais de forcer contre vos signaux internes, en suivant un plan trop rigide.

Recette simple pour réussir votre UTMB

  • ✔ S’entraîner à la sensation : au moins 6 mois avant la course, apprenez à courir sans dépendre d’une montre.
  • ✔ Alléger le contrôle : laisser la montre au vestiaire. Gardez juste le téléphone pour la sécurité.
  • ✔ Se recentrer : en montée, testez la « règle de la phrase » : si vous pouvez parler en articulant une phrase complète, vous êtes dans la bonne zone.
  • ✔ Gérer le carburant : préparez une boisson sucrée simple, peu acide, pour éviter l’hypoglycémie sans ruiner votre estomac.

Hypoglycémie et effort perçu (RPE) : attention au piège

  • ⚠ Le cerveau surestime l’effort → le RPE grimpe artificiellement.
  • ⚠ La concentration baisse, la fatigue cognitive augmente.
  • ⚠ Les hormones (cortisol, adrénaline) accentuent le ressenti d’effort.
  • ⚠ Résultat : vous croyez être au maximum… alors qu’il reste de la marge.

👉 Vous devez vous fier pas qu’au RPE en hypoglycémie c’est une sécurité dans le cadre de cette course de l’extrême où le milieu montagnard ne pardonne pas : à ne pas oubliez !!

Conclusion : Courir avec l’intelligence du corps

L’UTMB n’est pas qu’une question de force physique. C’est une danse entre le cerveau, les muscles, l’altitude et le sucre.

Écoutez vos sensations, respectez vos limites, acceptez les ralentissements, et vous découvrirez que le plaisir de courir autour du Mont-Blanc vient moins du chrono que de la lucidité de l’effort bien géré.

Et souvenez-vous : Les sensations ne te mentent jamais sur ton état de fatigue général même si ta fréquence cardiaque est basse (l’altitude favorisant cela) ou ta lactatémie (le fameux « lactate paradoxe »).

Si tu ressens l’effort comme étant très dur alors que tu n’avances plus cela est probablement grand temps de prendre cette boisson de l’effort faite maison ou bien celle dont tu as l’habitude (ne tentes jamais de nouvelle boisson ou alimentation le jour de la course).

Recette pratique pour une flasque de 500 mL

– 1 morceau de sucre n°4 (≈ 5 g de saccharose)
– Compléter avec du glucose pur pour un ratio 2:1 glucose/fructose
– Ajouter une pincée de sel (≈ 0,5 g)

Pommes de terre en robe des champsavec une pincée de fleur de sel Hum !

Échelle de Borg (6–20)

L’échelle de Borg permet d’évaluer l’effort perçu (RPE). Elle va de 6 (aucun effort) à 20 (effort maximal). C’est un outil précieux pour ajuster son intensité d’entraînement sans instrumentation.

Annexe science : Hypoglycémie et Effort Perçu (RPE)

Voici un ensemble sélectionné d’études académiques montrant que l’hypoglycémie peut modifier ou fausser le taux d’effort perçu (Rate of Perceived Exertion – RPE) pendant l’exercice, ce qui peut conduire à une évaluation inexacte ou « erronée » de l’effort ressenti. Ces résultats sont particulièrement pertinents pour les athlètes et les personnes atteintes de diabète.

Résumé analytique

L’hypoglycémie au cours de l’exercice affecte la clarté cognitive, l’humeur et la perception de la fatigue. Cela conduit à des scores de RPE gonflés, même lorsque les marqueurs physiologiques ne correspondent pas. Plusieurs études suggèrent que les effets sur le système nerveux central — tels que des altérations de l’interoception ou des changements hormonaux — sont responsables de ce décalage.

Articles clés et résultats

  • Noakes, T.D. (2022)
    What is the evidence that dietary macronutrient composition influences exercise performance? Nutrients, 14(4), 862.
    → L’exercice prolongé induisant une hypoglycémie a entraîné des scores RPE extrêmement élevés (18 sur l’échelle de Borg), alors que l’effort objectif restait modéré.
  • McCarthy, O. et al. (2020)
    Metabolomic, hormonal and physiological responses to hypoglycemia vs. euglycemia during exercise in adults with T1DM. BMJ Open Diabetes Research & Care, 8(1), e001577.
    → Le RPE était plus élevé en condition hypoglycémique malgré des charges de travail identiques, indiquant une perception biaisée.
  • Bullock, T., & Giesbrecht, B. (2014)
    Acute exercise and aerobic fitness influence selective attention during visual search. Frontiers in Psychology, 5, 1290.
    → L’hypoglycémie a perturbé l’attention sélective et la précision du RPE. Les efforts subjectifs étaient surestimés lorsque la glycémie était basse.
  • Schneider, K. (2020)
    Modeling of exercise-induced effects on blood glucose dynamics in T1DM patients. Thèse, ETH Zurich.
    → Les mesures de RPE en hypoglycémie divergeaient des valeurs de fréquence cardiaque et de lactate, suggérant des « faux positifs » dans l’effort perçu.
  • Quinones, M.D. & Lemon, P.W.R. (2022)
    Low glycemic CHO ingestion minimizes cognitive function decline during simulated soccer. International Journal of Sports Science & Coaching.
    → L’hypoglycémie était associée à une fatigue cognitive et à une hausse du RPE, sans lien avec la dépense physiologique réelle.
  • Maynard, T. (1991)
    Exercise: Part II. Translating the exercise prescription. The Diabetes Educator, 17(5), 407–411.
    → Les fausses hypoglycémies ou perceptions erronées peuvent majorer les scores RPE et induire en erreur les recommandations d’entraînement.
  • Turksoy, K. et al. (2017)
    Use of wearable sensors and biometric variables in an artificial pancreas system. Sensors, 17(3), 532.
    → Les données RPE issues de capteurs portables étaient en décalage avec les niveaux de glucose, soulignant la nécessité d’ajuster pour éviter les biais dus à l’hypo.
  • Poffé, C. et al. (2022)
    Exogenous ketosis suppresses diuresis and atrial natriuretic peptide during exercise. Journal of Applied Physiology.
    → Les changements hormonaux induits par l’hypoglycémie modifient la perception de l’effort indépendamment de la charge réelle.

Interprétation suggérée

EffetDescription
Distorsion cognitiveL’hypoglycémie altère le traitement cérébral et exagère l’effort perçu
Interférence hormonaleLes variations de cortisol, AVP et catécholamines modifient la perception et l’humeur
Chevauchement neurologiqueL’hypoglycémie du SNC mime les sensations de fatigue (faux RPE)
Implications pour l’entraînementLe RPE seul est peu fiable en cas d’hypoglycémie – il faut recourir à des métriques objectives

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *