Volume, fréquence, intensité

: comment doser son entraînement d’endurance (sans se brûler les ailes)

Depuis 40 ans que j’observe des coureurs, cyclistes, nageurs, rameurs et triathlètes, je vois toujours la même question revenir, sous des formes différentes :

« Je dois faire combien ? Et à quelle intensité ? »

On tourne autour de trois curseurs :

  1. Le volume (heures, kilomètres, mètres de D+, longueurs de bassin)
  2. La fréquence (combien de séances par semaine)
  3. L’intensité (à quelle allure, à quel pourcentage de VO₂max / FCmax)

La littérature scientifique récente – plus de 120 articles analysés dans cet état de l’art – raconte une histoire simple :

  1. Le volume est nécessaire,
  2. La haute intensité est puissante,
  3. Mais c’est l’équilibre dans le temps qui fait la progression… ou le surmenage.

1. Le volume : la « base aérobie », mais pas à laveugle

Les revues concordent : chez les sportifs d’endurance, le volume hebdomadaire est l’un des prédicteurs majeurs de la performance. Plus vous accumulez d’heures (ou de kilomètres) à faible intensité, plus :

-votre réseau capillaire se développe,

-vos mitochondries se multiplient,

-votre cœur devient efficace…

…à condition de respecter deux règles :

-Progressivité

On ne passe pas de 30 à 80 km en deux semaines.

L’augmentation se fait par paliers, quelques % par cycle (par exemple toutes les 3–4 semaines), avec des semaines plus légères pour laisser le temps d’adaptation.

-Tuilage avec la vie réelle

Un même volume ne représente pas le même « coût » pour une personne qui dort 8 h, travaille assise, et pour un soignant en horaires décalés ou un.e prof qui passe 6 h debout.

Le volume doit être pensé comme un budget énergétique total, pas seulement sportif.

-Chez les athlètes élites, on voit souvent des volumes type :

Course à pied : 80–180 km/semaine,

Cyclisme : 10–20 h/semaine,

Natation : 35–60 km/semaine,

Triathlon : 12–20 h combinées.

-Chez les amateurs motivés, on parle plutôt de :

30–80 km/semaine en course,

5–10 h en cyclisme ou triathlon.

L’idée n’est pas d’imiter les élites, mais d’appliquer les mêmes principes d’équilibre à une échelle compatible avec votre vie.

2. Fréquence : plusieurs petites touches valent mieux quun gros bloc

Les élites s’entraînent souvent 8 à 15 fois par semaine : le secret n’est pas tant « beaucoup » que souvent, et bien réparti.

Pourquoi la fréquence compte ?

Chaque séance est un signal d’adaptation pour l’organisme.

Plusieurs signaux modérés dans la semaine sont souvent plus efficaces (et moins risqués) qu’un seul gros choc mal placé. La fréquence permet de « lisser » la charge : plutôt 5 × 45–60 min qu’un seul long run de 2 h 30 quand on débute.

Pour la plupart des sportifs entraînés :

-3 séances/semaine : entretien (on progresse peu, mais on stabilise bien).

-4–5 séances/semaine : zone de progression robuste, si le sommeil suit.

-6–7 séances ou plus : à réserver à ceux qui ont déjà des années de pratique, une bonne résistance mécanique, et… une vraie hygiène de récupération.

3. Lintensité : pourquoi le modèle « polarisé » revient partout

La grande tendance des méta-analyses modernes, c’est le modèle polarisé :

-70–80 % du temps à faible intensité

-respiration confortable, vous pouvez parler en phrases complètes,

VO₂ ≈ 50–70 % du max, FC ≈ 60–75 % de la FCmax (ordre de grandeur).

Une petite part mais régulière à haute intensité : 5–15 % du temps total : intervalles courts, séances proches de votre vVO₂max, sprints.

Les bénéfices documentés :

-la base aérobie se construit et se consolide,

-la puissance aérobie et la capacité de sprint progressent,

-l’économie de course (ou de pédalage, ou de nage) s’améliore.

Ce que les articles montrent aussi très clairement :

Empiler trop de zones moyennes (les allures « ni faciles, ni très dures ») fatigue beaucoup pour un gain moindre. Quelques séances très intenses insérées dans un volume majoritairement facile sont plus efficaces que « tout moyen, tout le temps ».

C’est exactement ce que nous faisons avec les protocoles de type oscillations de vitesse (30”/30”, 3’/3’, etc.) : un temps significatif passé proche de la vVO₂max, sans s’user par des blocs interminables.

Encart chiffres – l’ordre de grandeur à garder en tête

Volume : le facteur n°1 de la progression… à condition d’être progressif.

Intensité : 5–15 % de temps très intense suffisent, si le reste est vraiment facile.

Fréquence : 4–6 séances/semaine = zone optimale pour beaucoup de sportifs entraînés.

Force : 2–3 séances de renforcement bien dosé par semaine améliorent économie et résistance.

4. Périodisation et récupération : organiser les saisons, pas seulement les semaines

L’état de l’art insiste sur la notion de périodisation :

-Phases d’accumulation de volume

-On construit la base : beaucoup de facile, quelques rappels d’intensité.

-Phases d’intensification

-Le volume total peut légèrement baisser,

-la proportion d’efforts difficiles augmente (sans dépasser la « dose de sécurité »).

-Tapering (affûtage avant compétition) : on réduit le volume (jusqu’à –40–60 %) et on maintient un peu d’intensité pour ne pas « s’endormir », on maximise la récupération nerveuse, musculaire, hormonale.

La périodisation efficace, ce n’est pas un calendrier figé, c’est un rythme :

-2–3 semaines de charge croissante suivies d’une semaine allégée (volume et/ou intensité réduits)

…et ce schéma se répète en s’adaptant à vos retours de terrain.

5. Les indicateurs pour piloter : VO₂max, oui… mais aussi vos sensations

Les études recommandent d’associer :

-des indicateurs objectifs : VO₂max, seuils ventilatoires, lactate, puissance, vitesse, fréquence cardiaque au repos, variabilité de la FC,

-des indicateurs subjectifs : RPE (échelle de perception de l’effort), qualité du sommeil, humeur, envie de s’entraîner. Pas d’envie peux être le signe d’un surmenage car GARDEZ bien en tête que si vous pratiquez ces sports de bœufs

 c’est que vous n’êtes pas du style paresseux !

-Les outils numériques modernes (GPS, accéléromètres, capteurs de puissance) permettent de quantifier finement : le volume externe (km, watts, dénivelé), le volume interne (FC, coût physiologique).

Le piège serait de laisser l’algorithme décider à votre place. La littérature converge : les meilleurs résultats viennent quand on croise les données avec :

-votre ressenti,

-vos contraintes de vie,

et une discussion régulière athlète–entraîneur (ou avec… votre propre journal d’entraînement).

6. Force, muscle et hormones : l’alliée souvent négligée

On pense encore trop souvent que la force « alourdit » l’endurance. Les données disent l’inverse :

Un volume modéré de travail en résistance (2–3 séances/semaine, intensité modérée à forte) :

-améliore la force maximale et la puissance,

-rend votre foulée, votre coup de pédale ou votre traction plus économes,

-réduit le risque de blessure.

Au niveau cellulaire, on voit que certaines voies de signalisation (mTOR, microARNs) répondent à la combinaison de la charge d’endurance et de la charge de force et un volume d’endurance trop élevé, mal récupéré, peut dérégler l’équilibre hormonal (cortisol ↑, testostérone ↓), signe de stress chronique.  D’où l’intérêt d’un volume intermédiaire optimal en force : assez pour stimuler, pas trop pour ne pas ajouter du stress inutile.

7. Les spécificités par discipline : mêmes principes, dialectes différents

La même grammaire « volume – fréquence – intensité » se décline différemment selon les sports.

-Natation

Volumes souvent élevés (35–60 km/semaine chez les élites), importance énorme de la technique et de la qualité des séries intenses, gestion fine de la fatigue des épaules et du dos.

-Cyclisme

Facile d’accumuler de longues heures : avantage mécanique mais risque de se perdre dans le « toujours plus ». Les blocs courts à haute intensité (sprints, efforts proches de PMA) améliorent l’efficacité mécanique et la puissance, pour un coût de fatigue bien mesuré.

-Course à pied

Le volume développe la base aérobie… mais chaque impact se paie mécaniquement.

Il est crucial de doser les intensités : intégration progressive de HIIT court, gestion des surfaces, renforcement musculaire adjacent pour encaisser.

-Triathlon

Ici, l’art consiste à gérer les interactions de fatigue entre natation, vélo et course.

Un même volume en heures ne veut rien dire sans savoir comment il est réparti entre les trois

L’idée centrale : adapter le même cadre scientifique (beaucoup de facile, un peu de très dur, périodisation, force) au langage mécanique de chaque discipline.

8. Mode d’emploi : comment vérifier si votre entraînement est « équilibré » ?

Je vous propose un petit audit maison, en trois questions :

  1. Sur les 4 dernières semaines, combien d’heures / km par semaine ?

Si la variation dépasse +20–25 % d’une semaine à l’autre, vous êtes probablement trop rapide dans l’augmentation.

  • Quelle part de vos séances est vraiment facile ?

Si vous êtes essoufflé(e) presque tous les jours, vous êtes probablement dans la zone grise.

Visez : 2 à 3 séances par semaine où vous pouvez parler en phrases, 1 à 2 séances avec des accents intenses bien structurés.

  • Où se cache votre récupération ?

Avez-vous une semaine sur 3–4 plus légère ?

Avez-vous au moins 1 jour complet sans sport par semaine, surtout en phase de forte charge ?

Si la réponse est « non » à plusieurs de ces questions, ce n’est pas grave : c’est le point de départ pour remettre de l’équilibre dans votre entraînement, et donc plus de plaisir.

Conclusion – L’art du dosage, ou l’équilibre-engagement-optimisation

Ce grand tour de la littérature nous dit finalement quelque chose de très humain :

-Plus n’est pas toujours mieux.

-Mieux réparti, mieux dosé, mieux récupéré l’est presque toujours.

– Un entraînement d’endurance efficace repose sur : un volume suffisant, augmenté progressivement, une fréquence de séances qui multiplie les signaux d’adaptation sans empiéter sur la vie, une petite dose de haute intensité, bien choisie, une périodisation qui ménage des respirations, et une attention conjointe aux données objectives et à vos sensations.

C’est exactement la philosophie de l’« équilibre–engagement–optimisation » :

l’équilibre entre charge et récupération, l’engagement de la personne qui s’entraîne (et pas seulement de ses données), l’optimisation de la performance, mais pas au prix de votre santé.

À partir de là, chaque profil – débutant, marathonien(ne), triathlète, cycliste longue distance – peut construire son propre chemin en respectant ces lois simples, mais puissantes.

La semaine prochaine je vous propose des semaines types construites dans l’esprit équilibre – engagement – optimisation, pour :

  • la course à pied
  • le cyclisme
  • le triathlon

En attendant, faites le point sur votre équilibre intensité-volume, fréquence pour vous et vos athlètes et faite moi part de votre méthode!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *