Être fort sur le marathon:

quand la force est la clé pour franchir le mur

La saison d’automne des marathons arrive et cela nous permet de revenir sur de croyances limitantes :

-La performance sur le marathon est une question pure d’endurance et

– Le mur du marathon est inexorable par la baisse du glycogène

Cette semaine nous brisons ces dogmes pour vous libérer de la fatalité du « mur »


Vous avez déjà senti ce moment où la foulée colle au bitume ? Le “mur” n’est pas qu’une simple histoire de glycogène : c’est surtout le moment où l’on n’a plus assez de force utile pour rebondir court, propre, et “gratuitement”. Et si l’économie de course, au fond, était d’abord une question de puissance disponible ?

Courir, c’est fuir et prédater (et ça change tout)

Notre locomotion de coureur est née pour s’échapper et poursuivre. Elle repose sur une alternance propulsion/suspension : en l’air, aucune force au sol ; au contact, tout se joue en quelques centièmes. Le secret ? Être capable d’impulser suffisamment vite pour décoller et conserver sa quantité de mouvement (impulsion ≈ Δp, avec p = m·v). Quand ça faiblit, la mécanique se grippe… et la note énergétique grimpe.

Oui, courir “coûte” plus que marcher

Ordre de grandeur simple : ~1 kcal/km en course vs ~0,5 kcal/km en marche. La raison : la phase de suspension et l’exigence d’un rebond efficace. Si la jambe–tendon n’est pas “tendue comme un arc” à l’atterrissage, pas de transfert fluide d’énergie : on pose lourd, on perd le ressort, et l’on doit ré-injecter plus d’énergie à chaque appui.

Sous fatigue : le piège du « je monte la cadence »

On se dit : v = fréquence × amplitude, je vais tourner plus vite. Sauf que faire tourner le membre inférieur coûte cher (énergie de rotation). Le balayage arrière est énergivore, et la propulsion est la phase la plus force-dépendante. Si la force chute (glycogène en berne), le temps d’appui s’allonge, la restitution élastique diminue, et le coût énergétique peut s’envoler (> 20 %). Bref : l’économie vient de la puissance… pas d’une bidouille de cadence.

La variabilité “utile” bat le mythe du rythme parfaitement constant

Les meilleures perfs marathon ne sont pas de longues lignes droites parfaites : elles montrent des oscillations intelligentes de rythme. Dans nos analyses, les marathoniens performants laissent vivre de petites fluctuations asymétriques qui permettent de jouer finement avec les filières, de récupérer, et d’éviter la dérive cardio/VO₂ (voir l’étude sur les oscillations de rythme et la performance). [Billat et coll., « Marathon performance & oscillations »].

L’humain sait se régler en accélération (et longtemps)

Autre point clé : nous sommes capables de maintenir des accélérations auto-régulées (douces, moyennes, dures) jusqu’à l’épuisement, grâce à de petites corrections stochastiques autour d’une valeur moyenne. Modélisées par un processus d’Ornstein–Uhlenbeck, ces accélérations restent remarquablement stables malgré la fatigue. C’est un socle scientifique pour l’entraînement en accélération au ressenti, plutôt qu’en “carrés” imposés. [Billat et coll., « Humans are able to self‑paced constant running acceleration until exhaustion » ; « Long‑term constant acceleration sustained via stochastic short‑term corrections »].

Ce que ça change pour l’entraînement (spoiler : la force est spécifique)

Pas besoin de tout miser sur les squats lourds. La force “utile marathon” est spécifique : rapide, élastique, avec des angles et vitesses de contraction proches de la course (loi force–vitesse et tension–longueur). Mieux vaut travailler une force élastique-fonctionnelle et la capacité à accélérer proprement (vertical court + propulsion tonique) pour préserver le rebond quand le glycogène baisse.

Preuves expérimentales (et pas que chez l’humain !)

Chez la souris âgée, un modèle d’entraînement court basé sur des accélérations a surpassé un protocole d’endurance long : vitesse max en hausse, temps à l’épuisement plus long, et des marqueurs mitochondriaux et enzymatiques supérieurs (CS, LDH, CK). Traduction pratique : de courtes accélérations bien dosées peuvent raviver la “centrale” aéro‑anaérobie et la “prise” musculaire. [Billat et coll., « A new model of short acceleration‑based training »]. Et pour calibrer précisément l’effort, le protocole ‘ramp’ à faible accélération (pente 0°) s’est révélé optimal pour atteindre un vrai VO₂max chez l’animal. [Ayachi et coll., « Validation of a Ramp Running Protocol »].

La séance signature — HIIT en accélération (pas en “carré”)

Pourquoi ? Parce que F = m·a. Travailler l’accélération, c’est entraîner l’impulsion (force × temps d’appui) qui fait décoller la foulée… sans casser la mécanique.

Format (40–50′) :

  • Échauffement 20–25′ + 2–3 lignes droites progressives.
  • Bloc A : 8 × 15–20″ d’accélération progressive (du tonique → franc), récup 40–60″ en trot.
  • Bloc B : 6 × 10″ en côte douce (focus rebond vertical), récup 50–60″.
  • Option : 4–6 lignes droites technico‑tendineuses (80–100 m).
  • Retour au calme 10–15′.

Repères techniques :

  • Contact court (“toucher‑chaud”).
  • Poussée verticale tonique (rebond, pas “traînage”).
  • Bras actifs (synchroniser l’impulsion).
  • Balayage arrière raccourci (éviter la jambe qui traîne).

Jour J : pourquoi la force vous fait passer le mur

  • Une réserve de puissance protège le rebond quand le glycogène chute.
  • Le temps d’appui reste court : l’économie se stabilise.
  • La variabilité utile (micro‑ajustements cadence/amplitude) évite la saturation mécanique.

la suite pour la semaine prochaine..

Comment varier subtilement la vitesse au long du marathon pour alterner filières, éviter la saturation (cadence, amplitude) et optimiser l’économie grâce à des changements maîtrisés de cadence — un “noir” pas monochrome, à la manière des Outrenoirs de Pierre Soulages.

Références (sélection)

  1. Billat V. et coll. — Marathon performance & oscillations (analyse des oscillations de rythme et performance). (Fichier: marathon_perf_oscillations.pdf)
  2. Billat V. et coll. — Humans are able to self‑paced constant running acceleration until exhaustion. (Fichier: humans_are_able_to_self_paced_constant_runnning_acceleration_until_exhaustion.pdf)
  3. Billat V. et coll. — Long‑term constant acceleration can be sustained freely in running via stochastic short‑term corrections. (Fichier: Long_term_constant_acceleration_can_be_sustained_freely_in_running_via_stochastic_short_term_corrections.pdf)
  4. Niel R., Billat V. et coll. — A new model of short acceleration‑based training. (Fichier: Niel_A_new_model_of_short_acceleration_base_training.pdf)
  5. Ayachi M., Billat V. et coll. — Validation of a Ramp Running Protocol. (Fichier: ayachi_Validation_of_a_Ramp_Running_Protocol.pdf)

2 réponses à “Être fort sur le marathon:”

  1. Avatar de David H
    David H

    Merci
    si en période de préparation générale(5à 6 séances semaine) je scinde ces 2 aspects de la séance avec un peu plus de répétitions .
    Je vais tester cette séance et donc combien de fois par semaine, toutes les semaines et s’arrêter combien de temps avant l’objectif pour faire comme Gressier et conserver suffisamment de fraicheur physique et mental pour finir en vitesse lumière :).

  2. Avatar de Daniel F
    Daniel F

    Chouette séance signature. Une question sur la balance bénéfice/risque peut se poser aussi sur le moyen terme (réf perso). Merci pour toute cette vulgarisation

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