Retour vers le futur ou la menace de l’eugénisme sportif et au delà: la génétique de la performance vs. la maîtrise de l’entraînement personnalisé.
Je vous ais préparé un blog presque aussi charnu que la dinde qui va rassembler la famille du prof demain en ce jour e Noël 2023. Mais j’espère que celle de 2024 aura bien vécu nos J.O pour que notre pays ne soit pas un pays musée, replié sur lui.
Au sein de mon université Paris Saclay version Evry city, je peux vous dire que tous les pays du monde se croisent et que j’enseigne aussi bien à des Maltais, Égyptiens, New Yorkais, Indiens, Chinois, Colombien, Russe..) et du 91.
Et je souhaite que cela demeure bien que cela m’oblige à faire mes ours en anglais et que cela rebute certains étudiants de STAPS sortant de leur Licence à Evry. Oui ils ne sont pas tous allé passé leurs vacances en Angleterre ou aux US, même s’ils travaillent au Mac Do, préparer des burgers n’infuse pas la langue des ricains!
L’actualité concernant la loi immigration me donne envie de remettre au débat l’importance de l’entraînement, des acquis, sur la génétique à travers l’indice d’héritabilité (H2) de VO2max et autre facteur de la performance sur le demi-fond et le fond (entre autres).
Contexte de l’époque : A la fin des années 90, des coureurs français, dépités d’être relégués au bas des podiums des courses hors stade (et des primes), ont commencé à suggérer un classement à part pour ces travailleurs étrangers (sans papier !). Par ailleurs, dans le domaine de la science du sport, les Américains avaient mis un paquet de dollar sur des appels d’offre dans le domaine de la génétique de la performance sportive et VO2max.
Je décidais alors de démontrer qu’au sein d’un groupe de coureurs du même village, souvent membre d’un même famille élargie (cousins), le type d’entraînement (court et intense ou long et plus lent), restait déterminant dans le type de profil énergétique et pour la performance sur le fond. N’ayant pas les moyens d’aller réaliser mes tests au Kenyan, je me rapprochais de Gwenaël Vigot, manager qui me semblait avoir une éthique avec le souci de permettre aux athlètes de participer à des courses rémunératrices et intéressantes au plan sportf. J’ai d’ailleurs retrouvé un portait de lui et de son team dans le site internet d’un journal Brestois : Par Matthieu Gain Publié le 2 Nov 14 à 8:00
Isabella Ochichi a aussi appartenu pendant de longues années au Team Vigot. « Une athlète d’exception ! Elle m’a arraché des larmes lorsqu’elle a décroché l’argent aux JO d’Athènes sur 5 000 m », confie le manager qui vibre toujours autant pour l’athlétisme. Ce Brestois est connu comme le loup blanc dans le petit monde de l’athlétisme. Il est l’un des tout premiers agents sportifs français. « Je suis le septième agréé précisément : l’agent 007, s’amuse l’intéressé. J’ai passé un examen et obtenu une licence nationale. Je suis aussi habilité au niveau international. » En 1992, des athlètes kenyans sont venus. Ils m’ont demandé de les prendre en charge car leur manager indien les exploitait. Gwénaël Vigot est devenu agent par le fruit du hasard. C’était en 1993. À l’époque, il seconde son père qui organise les 10 km et 20 km du Rallye. Ces grandes courses brestoises attirent des athlètes internationaux. « En 1992, des athlètes kenyans sont venus. Ils m’ont demandé de les prendre en charge car leur manager indien les exploitait. C’est ainsi que tout a commencé. » Il se rend au Kenya, découvre les conditions d’entraînement et de vie des coureurs, recrute des athlètes. Assez rapidement, il bâtit un groupe. Pendant une quinzaine d’années, ils prennent leurs quartiers au centre de Keraudren de mars à juin puis de septembre à décembre. « Un visa dure trois mois, explique Gwénaël Vigot. Ils font en moyenne huit compétitions pendant cette période puis retournent au pays où ils s‘entraînent jusqu’à trois fois par jour ! » L’agent avance les frais de transport et d’hébergement et prend 10 % sur leurs gains.
Je parti pour Brest et vécu avec les athlètes sur leur camp de base breton au sein du centre de Keraudren (fermé en 2020 hélas). Je parvins à les convaincre de réaliser un test de VMA (à l’époque el Rabit n’existait pas), et de porter tous les capteurs dont le K4. Les hommes attendirent que les dames se lancent (dont Isabella était la chef de fil car la plus performante et déterminée à progresser au-delà des primes des courses sur routes).
C’est ainsi que cette étude déclenchée par ce relent d’eugénisme* scientifique et sportif, a permis à une jeune femme de monter sur la piste et de décrocher l’argent Olympique car Gwénael a été motivé encore davantage par l’extraordinaire valeur de VO2max et le profil énergétique complet d’Isabella.
* L’eugénisme est un ensemble de pratiques visant à sélectionner le patrimoine génétique des générations futures d’une population en fonction d’un cadre de sélection prédéfini. Cette pratique peut résulter d’une politique étatique ou d’une somme de décisions individuelles prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’enfant parfait, ou du moins indemne de nombreuses affections graves. L’eugénisme a été largement abandonné dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, bien que certains pays occidentaux aient continué à pratiquer des stérilisations forcées. Les progrès du génie génétique et le développement des techniques de procréation médicalement assistée ouvrent de nouvelles possibilités médicales qui nourrissent les débats éthiques sur la convergence des techniques biomédicales et des pratiques sélectives.

Sur ce tableau 8.1 présentant des études concernant l’héritabilité de facteurs aérobies de la performance, il est clairement indiqué que VO2max par kilo de poids de corps (mlO2.kg-1.min-1) a une héritabilité de seulement moins de 25% à 52% selon les études. PWC 150/kg est la puissance en watts/kg en pédalant à une Fréquence cardiaque de 150bpm.
Le seuil ventilatoire aurait une héritabilité de 34% (exprimé en valeur de VO2 donc fortement dépendant de VO2max alors qu’il aurait fallu le rapporter à la fraction d’utilisation de VO2max dans i.e. % de VO2max)
L’héritabilité au sens large d’un phénotype, notée H², est une mesure de la part de variabilité du phénotype qui dans une population donnée, est due aux différences génétiques entre les individus de cette population.
Le chantre de l’héritabilité de VO2max est Claude Bouchard qui a présent relance sa démonstration initiée à la fin des années 90, en utilisant l’Intelligence Artificielle pour traiter ses bases de données et tenter désespérément de faire sortir LE gène de la performance en endurance associé à VO2max, et au seuil anaérobie.
Le tableau 8.2 rapporte l’héritabilité des facteurs anaérobies de la performance.

On peut constater une plus grande héritabilité jusqu’à 72% de la souplesse (flexibilité), de la puissance verticale (65%) et de force isométrique*
*La contraction isométrique est un type de contraction musculaire qui crée de la tension musculaire sans provoquer de raccourcissement ou d’allongement du muscle. Elle se distingue des autres types de contraction par sa longueur fixe et son intensité. Elle permet de générer de la force et de la puissance, mais aussi de créer des tensions musculaires.
Leur conclusion : Des études familiales ont démontré une ressemblance familiale pour les principaux déterminants morphologiques et physiologiques des performances sportives. Les études familiales ont tendance à surestimer les facteurs génétiques car l’environnement et les structures sociales sont généralement entre les membres d’une même famille, ce qui rend plus difficile de distinguer les contributions génétiques les contributions génétiques et environnementales. Des estimations de l’héritabilité couvrant une large gamme ont été rapportées pour plusieurs phénotypes de performance liés au sport. Cela s’explique, en partie, par les différences dans les caractéristiques de l’échantillon et les stratégies analytiques (correction pour les covariables, estimations classiques de l’héritabilité, ajustement du modèle). Les héritabilités estimées proviennent en grande partie d’échantillons bien nourris, la plupart d’origine européenne (blancs) et quelques-uns d’ascendance japonaise. Il est possible que la contribution génétique à la variance phénotypique diffère d’une population à l’autre. On manque de données concluantes sur l’importance des effets de l’âge, du sexe, de la maturation et de l’ethnicité sur les estimations de l’héritabilité, et de l’origine ethnique sur les estimations de l’héritabilité pour de nombreux phénotypes de performance. Les données sont également limitées pour d’échantillons suffisamment importants utilisant les meilleures techniques d’analyse disponibles.
Donc à présent abordons notre étude Kenyane made in Bretagne.
Dans cet article nous allons retrouver Isabella Ochichi qui grâce à cette étude, a été détectée comme ayant de grandes possibilités dur 5000m. Elle fut médaillée d’argent à Athènes 2004. L’étude publiée en 2003 avait été réalisée en 2002.

Training and Bioenergetic Characteristics in Elite Male and Female Kenyan Runners. Med. Sci. Sports Exerc., Vol. 35, No. 2, pp. 297–304, 2003.
La version complète de l’article avec ses références est à trouver sur ce lien :
BILLAT, V., et al.
Introduction et contexte sportif de l’époque pour le marathon :
L’Afrique de l’Est produit actuellement une multitude de coureurs d’élite de moyenne et longue distance. Il ne fait aucun doute qu’une combinaison de facteurs génétiques, d’entraînement, d’environnement, de mode de vie et de facteurs sociaux est impliquée (15,19). Plusieurs études ont examiné les différences entre les déterminants physiologiques de la performance sur longue distance (du 10 km au marathon) chez des coureurs caucasiens et africains très entraînés. Bosch et al. (8) ont rapporté que les coureurs de fond africains couraient à un pourcentage plus élevé de l’absorption maximale d’oxygène (VO2max) lorsqu’ils effectuaient sur un tapis roulant un marathon à 87% de leur meilleur temps sur marathon. Coetzer et al. (9), en extrapolant le VO2 de la course à partir de la relation VO2/vitesse sur tapis roulant, ont indiqué que les coureurs africains parcouraient 10 km à un pourcentage plus élevé de leur VO2max que les coureurs caucasiens. Weston et al. (29) ont démontré que les coureurs africains de 10 km ont un temps d’épuisement deux fois plus long à 92 % de la vitesse maximale sur tapis roulant (c’est-à-dire 107 % de leur vitesse sur 10 km, la vitesse maximale étant de 116,3 % de la vitesse sur 10 km). L’utilisation fractionnelle plus élevée de VO2max à l’allure de course de 10 km a été récemment confirmée par Weston et al. (30) chez des coureurs africains ayant le même temps de performance sur 10 km que les coureurs caucasiens (environ 32 min). La vitesse au seuil de lactate, le VO2max et le coût énergétique de la course (ECR) ont été rapportés comme étant des facteurs clés de la performance sur 10 km et plus généralement sur les courses de longue distance (11,16). La vitesse associée à la VO2max (vVO2max), qui dépend à la fois de la VO2max et de l’ECR, s’est avérée très prédictive pour la course de moyenne et de longue distance chez les hommes et les femmes (4,5,13,18,21,23). Les femmes kenyanes commencent à connaître un certain succès sur le circuit international. Cependant, on ne dispose pas de données sur leurs caractéristiques physiques. Auparavant, Tegla Loroupe était la plus célèbre puisqu’elle a remporté le marathon de New York en 1994 et détient le record du monde du marathon en moins de 2 h 21 min. Récemment, une Kenyane (Catherine Ndereba) a battu le record du monde du marathon à Chicago, terminant en moins de 2 h 20 min (2 h 18 min 47 s), parcourant ainsi les 42,195 km à un rythme légèrement supérieur à 3 min 18 s-km1, c’est-à-dire à un rythme de 5 min 34 s-mile1 (18,2 km-h1 ), et elle a remporté le marathon de la ville de New York. En supposant que chez les coureuses d’élite, un marathon est couru à environ 85 % de la vVO2max (7), ces performances signifieraient qu’elle a une vVO2max proche de 21 km-h1. Même à un niveau de performance élevé, la plupart des coureuses kenyanes travaillent encore et ne sont pas des professionnelles du sport à part entière. Par conséquent, elles parcourent moins de kilomètres et s’entraînent moins souvent par semaine, mais à une intensité plus élevée que les hommes. Par conséquent, pour comparer les caractéristiques énergétiques des coureuses kenyanes à celles de leurs homologues masculins, il peut être important de prendre en compte les différences dans le type d’entraînement. Plusieurs études ont comparé les caractéristiques physiologiques des coureurs caucasiens et africains (8,9,26,27,29,30). Cependant, aucune étude ne s’est concentrée sur l’impact du type d’entraînement sur les facteurs physiologiques affectant la performance chez les coureurs d’élite kenyans. Comme pour la plupart des coureurs d’élite, le type d’entraînement utilisé par les coureurs kenyans dépend des méthodes d’entraînement utilisées par leur entraîneur. Il existe deux méthodes. Tout d’abord, l’approche quantitative, que nous appellerons « entraînement à vitesse lente » (3 fois par jour) utilisant l’entraînement tempo au seuil de lactate et l’entraînement à intervalles longs (4 000 m) à une vitesse intermédiaire entre vLT et vVO2max (vD50) (3,12). La seconde méthode (« fast-speed training »), moins utilisée chez les hommes et plus souvent chez les femmes, est l’approche qualitative avec moins de kilomètres parcourus par semaine mais incluant une ou deux séances hebdomadaires à une vitesse supérieure à la vitesse associée au VO2max, en plus de l’entraînement à intervalles longs (3,6). Par conséquent, l’objectif de cette étude était 1) de tester, chez des coureurs kenyans d’élite, l’effet du genre sur les facteurs énergétiques de la performance sur longue distance en comparant des hommes et des femmes utilisant les mêmes méthodes d’entraînement (entraînement à haute vitesse : HST) ; et 2) d’apprécier l’influence du type d’entraînement, c’est-à-dire HST versus entraînement à basse vitesse (LST) en comparant des hommes s’entraînant avec ou sans séances d’entraînement par intervalles à une vitesse égale ou supérieure à la vVO2max.
Méthode : Les sujets étaient 7 femmes et 13 hommes. Le nombre de sujets est relativement faible car nous nous sommes concentrés sur des coureurs kenyans de haut niveau, hommes et femmes, présents sur le circuit international, qui sont peu nombreux. Tous ont terminé dans les 30 premiers du championnat kenyan de cross-country 2002 et dans les 15 premiers pour les femmes (le meilleur homme était 16ème, et la meilleure femme était 3ème). La petite taille des échantillons (n = 6 et 7 pour chaque sexe et groupe d’entraînement) a pour effet de surestimer l’importance des différences entre les populations, car les seules différences entre les groupes qui sont susceptibles d’être détectées sont les différences importantes. Tous les sujets appartenaient au groupe tribal Gusii, également appelé Kisii (de la ville de Kisii dans les Western Highlands, à 1000-1800 m d’altitude). C’est là que sont nés plusieurs excellents coureurs qui figurent parmi les meilleurs au monde (par exemple, Yobes Ondieki, détenteur des records du monde du 5 000 et du 10 000 m dans les années 1990, qui est aujourd’hui entraîneur). Les expériences ont été menées au niveau de la mer (en Europe) au mois d’avril ; environ 2 semaines du circuit européen comportaient des courses récentes de 8 km pour les femmes et de 12 km pour les hommes. Les sujets se sont entraînés 10 à 16 fois par semaine (120 à 200 km). Avant de participer à cette étude, tous les sujets ont donné leur consentement éclairé volontaire et écrit conformément aux directives du Comité d’éthique de l’Université de Paris.
Objectif : Cette étude compare les caractéristiques d’entraînement et les profils physiques des coureurs de fond kenyans de haut niveau, hommes et femmes. Méthode : Les sujets étaient 20 coureurs d’élite kenyans : 13 hommes (temps de performance sur 10 km : temps de performance sur 10 km de 28 min, 36 s ± 18 s) et 7 femmes (32 min, 32 s ± 65 s). Les coureurs masculins ont été séparés en coureurs s’entraînant à grande vitesse (HST : n= 6) et en coureurs s’entraînant à faible vitesse (LST : n = 7) selon qu’ils s’entraînent à des vitesses égales ou supérieures à celles associées à l’absorption maximale d’oxygène (vVO2max). Toutes les femmes sauf une étaient des coureuses s’entraînant à grande vitesse (femmes HST : n=6). Les sujets ont effectué un test incrémental sur une piste de 400 m pour déterminer la VO2max, la vVO2max et la vitesse au seuil de lactate (vLT). Résultats : Dans chaque sexe du groupe HST, le temps de performance sur 10 km était inversement corrélé à la vVO2max (rho=-0,86, P < 0,05, et rho=-0,95, P < 0,03, pour les hommes et les femmes, respectivement). Les coureurs masculins HST avaient une VO2max plus élevée, une fraction de vVO2max (FVO2max) plus faible (mais pas de manière significative) au seuil de lactate, et un coût énergétique de la course plus élevé (ECR). Chez les hommes, la distance d’entraînement hebdomadaire à la vVO2max explique 59 % de la variance de la vVO2max, et la vVO2max explique 52 % de la variance du temps de performance sur 10 km. Les femmes kenyanes avaient une VO2max et une FVO2max élevées à la vLT, mais inférieures à celles de leurs homologues masculins de la HST. L’ECR n’était pas significativement différent entre les sexes. Conclusion : La vitesse à la VO2max est le principal facteur prédisant la variance de la performance sur 10 km chez les hommes et les femmes, et l’entraînement à haute intensité contribue à cette VO2max plus élevée chez les hommes.
Je terminerai ce Blog du Prof en suggérant une étude pour nous prévenir de cette tentation de mettre les non européens à la porte de nos universités …
Au cas où ils menacent nos podiums du classement étudiants pour décrocher les meilleures bourses de thèses. Pour l’heure, ils se battent pour venir, rester sans être obligés de dormir chez Pierre Paul ou Jacques ou pire…à la gare de Lyon comme un de mes étudiants de Master Freedyos, Béninois qui a brillamment pu décrocher un master staps activité physique adaptée et rester en France au sein d’un structure hospitalière pour y exercer son métier, puis faire venir femme et enfant et …y être heureux car utile, reconnu avec un avenir pour lui et sa famille.
Mais cela c’était il y a 5 ans, une éternité pour les mentalités galopantes !
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