Résumé de l’étude que nous avons réalisé avec un conseiller pédagogique EPS en milieu scolaire CM2
2018 paru dans la revue EPS
Alors que tous les rapports alertent sur le manque d’activité physique, l’utilisation de tests adaptés et un travail approfondi sur l’appréciation des sensations d’adaptation de son corps à l’effort constituent des leviers d’une éducation visant l’autonomisation et donc l’engagement durable des élèves.
Une Approche Intégrée de la Physiologie de l’Effort
L’analogie avec une motorisation hybride
Il est communément admis que les muscles, moteurs du mouvement, ont besoin d’énergie stockée sous forme d’ATP (adénosine triphosphate) pour se contracter. Très vite dépourvu de son stock, l’organisme utilise ses réserves de phosphocréatines, de glucoses et de lipides pour régénérer cet ATP. Il y a encore une dizaine d’années, les physiologistes modélisaient l’activité motrice au regard de trois filières énergétiques qu’ils différenciaient selon l’intensité et la durée de l’effort. Des travaux plus récents proposent une approche intégrée qui, plutôt qu’une utilisation sélective des mécanismes anaérobies (lactique/alactique) puis aérobies, considère l’activité humaine comme celle d’un système hybride, modèle ayant même bio-inspiré le développement d’un moteur automobile de ce type où deux systèmes (l’un électrique, l’autre à essence) s’activent séparément voire se conjuguent selon les besoins.
Des systèmes coopératifs
Dans cette approche, il s’agit d’envisager la coopération des trois systèmes anaérobie alactique (phosphocréatine), anaérobie lactique (fermentation des glucides en acide lactique) et aérobie (dégradation des glucides et des lipides dans les mitochondries). Rappelons que la phosphocréatine, régénérée lors d’une contraction musculaire moindre (baisse de l’intensité), constitue un haut réservoir d’énergie permettant de limiter les variations de la quantité d’ATP à chaque contraction musculaire, donc d’amortir la variation de la quantité d’ATP occasionnée par les contractions et d’éviter une baisse de puissance.
Par exemple, au départ d’une course, comme le moteur électrique qui a une faible inertie, la phase d’accélération importante (passage d’une vitesse de 0 à 2,2 m/s en 3 s) permet la déplétion de la réserve de phosphocréatine. Cela donne le temps au moteur thermique de monter en température et en puissance, ce qui, pour revenir à la physiologie de notre coureur, revient à diminuer le délai d’augmentation de la consommation d’oxygène requise pour être en équilibre oxydatif. Tout au long de l’activité, il suffit de décélérer légèrement avant qu’une acidose n’apparaisse, ce qui est permis par le développement des capacités à sentir les effets de l’activité sur soi, afin d’optimiser la consommation d’oxygène et de reconstituer la réserve de phosphocréatine (ce qui équivaut dans le système hybride à recharger la batterie électrique), voire de ré-oxyder l’acide lactique produit pour en faire un carburant potentiel supplémentaire.
Le double avantage de cette approche et de son application dans les courses de durée comprise entre 5 min et 3 h (demi-fond et fond) est que le muscle dispose d’une puissance plus élevée qu’à intensité constante mais qu’il va de plus, pouvoir résister à la fatigue puisqu’il ne travaille plus selon les mêmes régimes de contraction et d’étirement.
Conséquences sur l’entraînement
De cette approche est née une méthode d’entraînement visant à développer le système hybride dans toute sa complexité. Il s’agit de ne plus séparer les séances d’entraînement (force/vitesse contre endurance) mais de les orienter de façon courte et complète en enchaînant des séances de 30 min selon un menu de développement propre à l’activité envisagée ou au développement visé.
Exemple de Séances Billatraining de Développement
Chaque séance est composée d’un temps d’échauffement (gris), du corps de la séance et d’une récupération (bleu) :
– La séance force musculaire (en haut) consiste à courir à allure facile pendant 30 min avec un sprint de 10 s à réaliser toutes les 3 min.
– La séance gestion de l’effort (en bas) consiste à reproduire 3 séquences de courses de 10 min (4 min à allure facile, 2 min à allure moyenne, 1 min à allure dure et 3 min de récupération).
Entraînement des Enfants : La phase de départ : Test Vameval et Test RabiT
Test Vameval
Le test Vameval est une méthode d’évaluation de la performance physique qui consiste en une course à vitesse progressive et croissante. Voici les étapes suivies pour entraîner les enfants avec cette méthode :
1. Course par paliers de vitesse incrémentée : Les enfants courent à une vitesse initiale faible, qui augmente progressivement par paliers de 0,5 à 2 km/h toutes les une à trois minutes.
2. Jusqu’à l’épuisement : Les enfants continuent de courir jusqu’à ce qu’ils ne soient plus capables de maintenir l’allure imposée.
3. Mesure des Performances : La vitesse maximale atteinte par chaque enfant est notée, ainsi que la fréquence cardiaque maximale.
Les avantages de ce test est qu’elle permet de mesurer la vitesse maximale aérobie (VMA) et d’évaluer les capacités d’endurance des enfants. Cependant, elle pousse les enfants à l’épuisement sans qu’ils puissent autogérer leur vitesse ce qui peut ne pas être optimal pour tous.
Test RabiT (Running Advisor BillaTraining)
Le test RabiT est basé sur l’autogestion de l’effort en fonction des sensations perçues par les enfants. Voici les étapes suivies pour entraîner les enfants avec cette méthode :
1. Séances d’Apprentissage des Sensations : Avant de commencer le test, les enfants participent à des séances où ils apprennent à reconnaître et à évaluer leurs sensations physiques (facile, moyenne, dure, très dure).
2. Test en Six Phases :
– Phase 1 : Courir pendant 5 minutes à allure facile, avec possibilité d’accélérer ou de ralentir en fonction des sensations.
– Phase 2 : Sprinter pendant 6 secondes le plus rapidement possible.
– Phase 3 : Courir pendant 3 minutes à allure moyenne, avec possibilité d’accélérer ou de ralentir en fonction des sensations.
– Phase 4 : Courir pendant 2 minutes à allure dure, avec possibilité d’accélérer ou de ralentir en fonction des sensations.
– Phase 5 : Sprinter pendant 20 secondes le plus rapidement possible.
– Phase 6 : Courir pendant 3 minutes à allure facile.
3. Récupération : Chaque phase est entrecoupée d’une minute de récupération, où les enfants marchent ou s’arrêtent.
4. Évaluation : Les distances parcourues et les fréquences cardiaques sont mesurées et analysées.
Cette méthode permet aux enfants de s’entraîner en écoutant leurs propres sensations, favorisant ainsi l’autogestion et la prise de conscience de leurs capacités physiques. Les résultats montrent que les enfants peuvent atteindre une vitesse maximale supérieure avec une fréquence cardiaque inférieure, ce qui indique une meilleure gestion de l’effort.
Les deux séances d’entraînement (1. Force /puissance et 2. gestion de l’effort) étaient pratiquées alternativement chaque semaine pendant le cycle d’endurance de 6 semaines :


Comparaison des Résultats (figures ci-dessous)
– Performance : Le test RabiT a permis aux enfants d’atteindre une vitesse maximale supérieure d’environ 8,3 % par rapport au test Vameval.
– Rendement énergétique : Les enfants ont atteint une vitesse maximale plus élevée avec une fréquence cardiaque inférieure d’environ 4 battements par minute avec le test RabiT.
– Autogestion de l’effort : Le test RabiT nécessite que les enfants soient capables de situer leur effort en fonction de leur ressenti, ce qui est bénéfique pour développer leur autonomie.

Conclusion
L’entraînement avec le test RabiT semble offrir des avantages significatifs en termes de performance et de gestion de l’effort par rapport au test Vameval. En encourageant les enfants à écouter leur corps et à ajuster leur effort en conséquence, le test RabiT favorise une meilleure compréhension de leurs propres capacités et limites, et améliore leur engagement et leur plaisir dans l’activité physique (voir le travail de réflexion du professeur des écoles sur la gestion de ses ressources énergétiques et de sa perception sur le tableau noir de la classe : s’interroger sur ce qui est « facile, moyen, dur »)

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