On ne choisit pas ses parents…mais on choisit (bien ?) son entraineur.

Nous reviendrons sur la question de la part de la génétique sur l’entraînement dans la performance lorsque je vous expliquerai comment j’ai abordé et publié la question de l’entraînement des Kenyans en les côtoyant au tout début des années 2000 pour avoir suivi et entraîné Isabellah Ochichi (vice-championne Olympique à Athènes en 2004 sur 5000m après avoir débuté sur le sol européen par des courses à Saucisson sur les routes françaises).

Mais revenons sur le cas de Tadej Pogačar qui bénéficie d’un encadrement diversifié, où chaque entraîneur apporte une expertise spécifique, enrichie par leurs parcours scientifiques respectifs. Voici comment leurs compétences se complètent :

Iñigo San Millán :

  • Expertise : Professeur à la faculté de médecine de l’Université du Colorado, il se spécialise en physiologie de l’exercice et en métabolisme cellulaire.
  • Recherches : Ses travaux portent sur le métabolisme énergétique, la fonction mitochondriale et le rôle du lactate dans des contextes tels que le sport, le diabète et le cancer. Par exemple, il a exploré comment la production de lactate pourrait être liée à la carcinogenèse.  Nous l’avons déjà évoqué mais Geppetto nous le rappelle car effectivement le rôle du lactate est beaucoup plus important à découvrir plus avant afin d’envisager des thérapies contre le cancer.

Effectivement, Inigo qui est physiologiste, maître de conférences (Associate Professor à l’université du colorado) a travaillé et publié avec GA Brooks le père de la navette lactate entre les tissus et notamment les fibres rapides qui produisent du lactate et les fibres lentes ou le myocarde qui le recycle et l’utilise, tout comme le cerveau, comme un carburant. Il a exploré comment la production de lactate pourrait être liée à la carcinogenèse fait référence aux recherches d’Iñigo San Millán sur le métabolisme cellulaire, notamment le rôle du lactate dans le développement du cancer.

Explication :

1. Lactate et métabolisme énergétique 

   – Dans l’exercice physique, le lactate est produit lors du métabolisme anaérobie, lorsque le glucose est dégradé pour produire de l’énergie en l’absence d’oxygène suffisant.

   – Il a longtemps été considéré comme un simple déchet métabolique, mais on sait aujourd’hui qu’il joue un rôle clé dans la régulation de l’énergie et la signalisation cellulaire.

2. Lien avec la carcinogenèse (processus de formation du cancer) 

   – Certaines cellules cancéreuses adoptent un mode de production d’énergie appelé effet Warburg : elles consomment beaucoup de glucose et produisent du lactate, même en présence d’oxygène (glycolyse aérobie).

   – Ce métabolisme favorise la croissance rapide des tumeurs, car il permet aux cellules cancéreuses de proliférer efficacement en réutilisant le lactate comme source d’énergie.

3. Contribution de San Millán 

   – Il a étudié comment ce métabolisme du lactate, bien connu dans le sport, pourrait être une cible thérapeutique contre le cancer.

   – Il suggère que les cellules cancéreuses exploitent des mécanismes similaires à ceux des cellules musculaires de sportifs de haut niveau, qui utilisent efficacement le lactate comme source d’énergie.

 Implications :

– Ces recherches ouvrent des pistes pour limiter la prolifération tumorale en ciblant le métabolisme du lactate.

– Elles montrent aussi un parallèle fascinant entre la biologie du sport et la biologie du cancer, puisque dans les deux cas, le lactate joue un rôle essentiel dans la gestion de l’énergie.

En résumé, San Millán explore l’idée que le lactate n’est pas juste un sous-produit de l’effort physique, mais un acteur clé dans la biologie des cellules cancéreuses, ce qui pourrait mener à de nouvelles approches thérapeutiques.

  • Contribution pou Pogachar : Il apporte une compréhension approfondie des processus métaboliques, permettant d’optimiser les stratégies d’entraînement en fonction des réponses physiologiques individuelles.

Il permet à la communauté scientifique de comparer le métabolisme énergétique des coureurs cyclistes professionnel au non sportif ou peu entraînés et a montré que l’état stable maximal du lactate (sur lequel j’avais écrit ma thèse en 1988 ! et que j’ai ensuite négligé et oublié pour avancer sur VO2max et son temps limite !), était très supérieur chez les pros. Le lactate est un substrat, un carburant des tissus de l’organisme et empêche de s’acidifier dès que l’on dépasse le seuil d’utilisation exclusif des glucides (au seuil ventilatoire 2 lorsqu’il devient difficile de faire une phrase sans coupure pour inspirer. A ce titre il est important de souligner que Inigo explique l’importance de s’entraîner, certes en Zone 2 afin de relever le pourcentage de la puissance aérobie maximal auquel on ne fait pas appel en au glucides à 100%, mais également de s’entraîner au-delà dans la zone 4, afin de stimuler le recyclage du lactate produit. Oui j’ai eu moi-même l’occasion d’être jury de thèse sur cette adaptation à l’entraînement lactique en augmentant le taux de protéine transporteuse du lactate (Monocarboxylate Transporter MCT) dans les années 2000.

J’ai plutôt braqué mon projecteur sur les facteurs limitants du VO2max au plan des apports (débit cardiaque et contenu artériel en oxygène) davantage que sur son périphérique (musculaire à l’effort). Ce qui est important est de faire un audit véritable afin de détecter le maillon faible du VO2max et la capacité à aller chercher cette valeur haute est associée à celle de tolérer le lactate afin de de ne pas craquer dès que le seuil ventilatoire 2 (zone 4) est dépassée. Cela rejoint la théorie de la réserve de puissance que prône BillaTraining.  Inigo a 52 ans et il a toujours concilier le travail universitaire et le business (il a une compagnie sur la détection de la mal nutrition par des capteurs). En France, ce n’est que depuis peu que les universités recherchent des partenariats avec le privé car nécessité fait loi et l’on risque même à présent de basculer dans l’excès inverse ace des entreprises qui « passent commande » pour les thèmes de recherche d’intérêt (sociétal, financiers ??). J’ai moi-même choisi il y a 11 ans déjà de créer BillaTraining SAS pour choisir mes thèmes de recherche en reversant 100% des revenus (conseils, expertise sur l’entraînement avec les connaissances physiologiques) à la production scientifique, ses étudiants en 3em cycle et le matériel de pointe.

Mais continuons à découvrir les experts autour de Pogachar

Javier Sola son nouvel entraîneur pour la saison à venir et qui était déjà en appui de Inigo jusqu’alors :

  • Expertise : Fondateur et PDG de Training4ll, il possède plus de 10 ans d’expérience dans l’entraînement de cyclistes et triathlètes professionnels.
  • Recherches : Ses publications incluent des études sur les techniques cyclistes, l’analyse de la dépense énergétique et l’utilisation de logiciels avancés pour diagnostiquer et corriger les différences de pédalage. Il est possible d’ailleurs de constater en visionnant sur YouTube l’ascension de col de la Madone (pente entre 4 et 9%), que
  • Contribution : Son approche pratique et technologique de l’entraînement complète l’approche scientifique de San Millán, en mettant l’accent sur l’application concrète des données pour améliorer la performance.

Andrej Hauptman :

  • Expertise : Ancien cycliste professionnel slovène, il a une connaissance approfondie des exigences du cyclisme de haut niveau.
  • Contribution : Son expérience en tant qu’athlète et entraîneur offre une perspective pratique sur les stratégies de course et le développement des compétences techniques, complétant ainsi les approches scientifiques de San Millán et Sola.

Ensemble, ces entraîneurs forment une équipe multidisciplinaire, combinant des connaissances scientifiques pointues en physiologie et métabolisme avec une expertise pratique en performance sportive et en stratégie, offrant à Pogačar un encadrement complet et optimisé.

En écoutant un entretient qu’il a donné à Peter Attia (scientifique et youtubeur),  Tadej Pogačar révèle des détails surprenants sur l’entraînement, la nutrition et le 1 800 VAM. S’adressant à Peter Attia lors des Championnats du monde, Pogacar a révélé une mine de données sur son entraînement et son opinion sur les Wattmètres « peu fiables ».

« Je pense que les wattmètres sont peu fiables. « Je m’entraîne avec des cardiofréquencemètres depuis l’âge de 12 ans, je ne sais pas », a déclaré Tadej Pogačar à l’animateur Peter Attia. « Je sais donc comment mon rythme cardiaque réagit quand je suis fatigué ou quand je suis en forme. Donc, oui, je pourrais me baser uniquement sur la fréquence cardiaque, mais il est toujours bon de comparer la fréquence cardiaque à la puissance, même si les appareils de mesure de la puissance ne sont pas très fiables de nos jours.

« Il faut toujours faire attention à la température extérieure, à l’étalonnage, à tout », a-t-il précisé. « Et oui, il y a parfois des erreurs. Il faut être prudent à ce sujet.

Pour les cyclistes obsédés par les données, la révélation de Pogačar selon laquelle sa plage de puissance en zone 2 se situe autour de « 320 à 340 » suscitera l’intérêt. Il a par ailleurs raconté de joyeuses sorties d’entraînement de quatre heures passées carrément dans la zone 2.

« À Monaco, il est vraiment difficile de se situer dans la zone 2 parce qu’il y a beaucoup d’ascensions », a-t-il déclaré. « Vous ne pouvez pas maintenir la puissance. J’essaie d’atteindre une zone 2 très élevée dans les montées, qui durent entre 20 et 40 minutes, puis je récupère et je redescends.

« Mais quand je rentre chez moi, en Slovénie ou ailleurs, ou en Espagne quand nous nous entraînons à Calpe, ou en été, où c’est plus plat, j’aime vraiment rester cinq heures en zone 2… J’adorerais ne faire que de la zone 2 et y aller sans arrêt ».

Bien qu’il ait envie de passer de longues heures dans la zone 2, Pogacar a confirmé que c’est à Monaco qu’il a le plus bénéficié de son entraînement. « D’après mon expérience, c’est la meilleure façon de s’entraîner sur ses propres routes, où l’on peut regarder la vitesse, la VAM et la vitesse à laquelle on se déplace.

Interrogé sur les spécificités de sa VAM, Pogacar a déclaré : « S’entraîner à sept, sept et demi pour cent, si vous y allez à fond, je pense que c’est environ 1 700 à 1 800 de VAM pendant 15 minutes ».

Tadej Pogačar met donc en avant l’importance de s’entraîner sur des parcours familiers en surveillant plusieurs paramètres clés :

– Vitesse : la vitesse à laquelle il roule. 

– VAM (Vitesse Ascensionnelle Moyenne et non vitesse aérobie maximale ou VAM ou VMA) : le gain d’altitude par heure en mètres (exprimé en m/h), un indicateur clé en montée. 

– Vitesse de déplacement : probablement la vitesse horizontale sur le parcours.

Dans la deuxième partie, Pogačar parle des spécificités de sa VAM et explique qu’à une pente de 7 à 7,5 %, lorsqu’il s’entraîne à intensité maximale pendant 15 minutes, il atteint une VAM d’environ 1 700 à 1 800 m/h.

Interprétation :

– 1 700 à 1 800 m/h signifie qu’il pourrait théoriquement grimper 1 700 à 1 800 mètres de dénivelé en une heure à cette intensité.

– Cela représente une performance exceptionnelle, atteignable uniquement par des cyclistes de très haut niveau en conditions optimales.

– Il souligne aussi que cet effort est soutenable pendant 15 minutes, ce qui correspond à un effort proche du « seuil anaérobie ».

En résumé, il insiste sur l’importance de s’entraîner sur des terrains familiers tout en surveillant ses performances, et il donne une référence chiffrée sur ses capacités en montée à intensité maximale.

Nutrition

Ces dernières années, Pogačar s’est davantage concentré sur la nutrition et le poids.

« Quand on est enfant, on peut manger ce que l’on veut et ne pas prendre de graisse », explique-t-il.

Cependant, lors de ses courses actuelles, il privilégie la modération plutôt que les restrictions sévères. « Si vous vous restreignez trop et que vous ne touchez pas au chocolat pendant un mois ou six mois, un jour vous craquerez et vous deviendrez fou. Et je pense que ce n’est pas une bonne relation avec la nourriture », a-t-il déclaré.

« Je pense que ce n’est pas une bonne relation avec la nourriture. Il faut donc trouver un équilibre avec la mauvaise nourriture. Pendant l’intersaison, je n’ai plus de fringales. Je me dis : « D’accord, je pars en vacances. Je mange de la bonne nourriture, de la bonne nourriture, de la nourriture de qualité, mais pas en trop grande quantité. »

Le double vainqueur du Giro-Tour a confirmé que son poids culminait à 69 kg et qu’il atteignait parfois 70 kg après s’être fait plaisir. Cependant, pendant le Tour de France, il se maintient constamment autour de 65 kg.

C’est pourquoi son apport en glucides sur le vélo est soigneusement planifié. « Dans les boissons, nous avons soit 30 grammes, soit 60 grammes [d’hydrates de carbone] par bouteille, ce qui n’est pas une forte dilution », a-t-il déclaré.

« Mais lorsqu’il s’agit d’une étape difficile, il est préférable d’avoir 60 grammes dans la bouteille pour pouvoir manger moins », a-t-il poursuivi. « Pour les étapes difficiles, il faut environ 120 grammes par heure. Pour les étapes plus faciles, 60 à 90 grammes suffisent. C’est ce que nous visons par heure.

Pour Pogacar, arriver à consommer 120 grammes par heure a été un véritable parcours du combattant. « Il y a cinq ans, 120 grammes par heure, c’était impossible », a-t-il déclaré, reconnaissant que son sponsor alimentaire Enervit produisait de meilleurs produits pour ses courses.

Son nutritionniste est également ( à un moindre degré) un scientifique à la base :

Le sucre ne doit pas être ostraciser même si le régime cétogène est la mode je pense personnellement que les glucides sont le carburants avec le lactate qui est le plus performant pour aller vite, tout en repoussant son seuil d’utilisation grâce à un métabolisme des lipides efficace (beaucoup de mitochondrie et des gouttelettes intramusculaires proches de la superficie du muscle afin d’(être au contact des capillaires sanguins qui apportent l’oxygène et dont le nombre est augmenté sous l’effet combiné de l’altitude et de l’entrainement à MLSS tel que nous l’avons montré dans les années 2005.

« Il y a cinq ans, j’allais toujours me chier dessus après les courses par étapes ou les longues courses. Aujourd’hui, même en mangeant 120 grammes, je n’ai aucun problème d’estomac.

Fréquence cardiaque et VRC

Sans surprise, la fréquence cardiaque de Pogacar se situe à un faible niveau de 37 battements par minute pendant le sommeil, affirme-t-il.

« Mais certains jours, je pourrais me réveiller avec 48-49 battements par minute si je suis malade ou vraiment fatigué, peut-être même plus de 50. »

En ce qui concerne sa fréquence cardiaque maximale, il a révélé qu’en tant que junior, il pouvait atteindre 213, et que plus récemment, il dépassait régulièrement les 200.

Il a également commencé à s’intéresser à la VRC en 2021. « Je ne l’ai pas trouvée vraiment intéressante ou utile », affirme-t-il. « Mais cette année, j’ai commencé à l’utiliser davantage pour suivre la VRC et la fréquence cardiaque nocturne. Et oui, je dois dire que j’aime bien ça maintenant. »

Effectivement je pense que la FC nocturne est révélatrice alors que la HRV est plus que gadget.

Naturellement, la VO2max est le chiffre historiquement lié à la physiologie naturelle et à la performance, mais Pogacar a déclaré timidement : « Cela fait un moment que je n’ai pas fait de test la dernière fois ». « Il est probablement élevé.

Oui, nous lui avons calculé dans le blog précédent, une valeur de 83-85 ml.min-1.kg-1.

On l’attend donc chez BillaTraining pour, en plus, explorer son CerVO2max avec els ondes EEG, mais je pense que cela ne fera guère avancer ses performances actuellement mais bon, avec l’âge, il peut chercher encore davantage à optimiser son entraînement avec toute la science dont il peut disposer avec l’expérience du terrain, duo magique !

L’ASEP est le lieu de partage de la science et du terrain et j’envisage, en 2025, de proposer des conférences à domicile ou chez vous si vous parvenez à organiser un évènement, une rencontre avec vos relations passionnées d’entrainement également.

Bonne semaine en parcourant les routes (rapidement à 20 km/h sur des pentes de 7% à 80 tours minutes la cadence étant privilégiée comme pour notre centenaire Robert Marchand à 27 km/h …sur la piste de Saint Quentin en Yveline).

4 réponses à “On ne choisit pas ses parents…mais on choisit (bien ?) son entraineur.”

  1. Avatar de David
    David

    Vraiment très intéressant.
    En période de préparation pour des athletes tres entrainés je fais relevé la FC au repos tous les matins au réveil avant d’ajuster ou pas le plan notamment le dernier mois ,çà a toujours été pertinent.

    J’imagine que le temps de kiplimo à Barcelone sur le 21km donnera aussi lieu à une analyse notamment en prévision de son 1er Marathon à Londres en Avril ? et l’intégration de ses différents type d’entraineur a une vraie valeur ajoutée comme pour Pogacar .

    Merci

  2. Avatar de Calixte
    Calixte

    Bonjour Professeur, c’ est encore moi! Vous avez montré ces dernières années que pour maintenir le plus longtemps possible le vo2 max sur une course à haute intensité il fallait faire varier sa vitesse, de façon globale quand est il au sujet du MLSS: est-ce que la variation de vitesse améliore la clairance du lactate? Y a t’ il un intérêt à chercher à accumuler un maximum de la Tate! Comment faire pour y parvenir ? Je me répète encore une fois merci pour cet article, Arnaud

    1. Avatar de Calixte
      Calixte

      Lire: de la Tate=lactate, ce correcteur c’ est vraiment pas delà tarte !

    2. Avatar de Véronique Louise Billat
      Véronique Louise Billat

      Oui tout à fait Arnaud
      La variation de la vitesse augmente MLSS et tu as devancé ma prochaine expérience avec en plus EEG car il nous faut comprendre comment le cerveau se régule à la suite des travaux sur le lien RPR et estimation du seuil lactate faite par un collègue il y a 20 ans
      J’en avais parlé dans un blog précédent.
      Si tu souhaites participer à nos expériences vélo en ce moment fais nous signe c’est gratuit pour les membres de l’ASEP
      😊

Répondre à Calixte Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *