Relation entre l’intensité de l’exercice et les réponses affectives.

Voici en réponse à la question de David, qui entraîne ses athlètes à la sensation et qui s’interroge sur l’impact de l’état émotionnel et affectif sur celles-ci, une synthèse issue de la lecture de plus de 30 articles et ouvrages de psycho physiologie de ces 20 dernières années. J’en ai tiré deux figures que je vous commente ici.

MERCI pour toutes vos questions qui me permettent de creuser et de sortir de ma zone de confort, et c’est le but de l’ASEP que celui de faire progresser l’entraînement pour plus de plaisir et par un gain de performance et de bien-être, donc de santé tout au long de la vie.

Le premier objectif des études basées sur la recherche actualisée était de définir la relation dose-réponse entre l’intensité de l’exercice et les réponses affectives. Sur la base de données convergentes provenant de plusieurs laboratoires dans le monde entier, il est apparu qu’un modèle distinct de réponses affectives caractérise chacun des domaines de l’intensité de l’exercice.

Dans le domaine modéré (inférieur au VT) (sensation « facile » pour la méthode d’entraînement Billatraining) : le seuil ventilatoire est le seuil auquel on commence à hyperventiler de façon modérée et qui se situe entre 50 et 60% de VO2max selon le niveau des athlètes), les réponses affectives restent positives ou s’améliorent pour la plupart des individus en bonne santé. Le potentiel de cette gamme à générer des expériences affectives positives semble être renforcé si l’intensité est autorégulée (par exemple, lors d’une marche à son rythme). Dans ce cas, des réponses positives ont été observées même chez des personnes en surpoids et âgées, qui déclarent généralement de faibles niveaux d’activité physique.

Le domaine de l’intensité forte (entre le seuil ventilatoire VT et le seuil de compensation respiratoire, RCP en anglais correspondant au seuil ventilatoire 2 selon les articles scientifiques). Sensation « moyenne » pour la méthode d’entraînement Billatraining).  Ce seuil est celui auquel on hyperventile à tel point que l’on ne peut aligner deux phrases, nous nous sentons « essoufflé ». A partir de ce seuil on utilise exclusivement les glucides pour produire de l’ATP (notre monnaie énergétique).  Au plan des réponses affectives, Il se caractérise par une variabilité des réponses, certaines personnes signalant des améliorations tandis que d’autres rapportent des baisses de la valence affective. Cette hétérogénéité peut être associée aux implications adaptatives ambiguës de l’exercice dans cette gamme d’intensité. D’une part, la capacité à maintenir l’exercice dans cette fourchette peut présenter certains avantages, comme parcourir de plus longues distances à la recherche de ressources de subsistance, mais d’autre part, elle augmente le risque d’événements indésirables tels que l’épuisement ou les blessures. Chez la plupart des adultes chroniquement peu actifs, une intensité élevée entraîne généralement une baisse de la valence affective, donc à ne pas utiliser dans un premier temps afin de ne pas les écœurer par une séance trop intense.

Enfin, le domaine de l’intensité sévère (au-dessus du RCP) (sensation « dure » pour la méthode d’entraînement Billatraining) se caractérise par des baisses universelles de la valence affective, sans variabilité dans la direction du changement. Ce domaine a des implications d’adaptation sans ambiguïté, car il indique une grave perturbation homéostatique et un risque élevé de dommages physiques. Cette zone conduit inexorablement à l’atteinte de votre VO2max ce qui est intéressant pour provoquer des adaptations.

Il faut donc balayer toutes ces zones d’intensité afin de provoquer des adaptations sans risque de stress excessif. L’entraînement à la sensation doit tenir compte de cette dimension affective qui peut enfermer les personnes dans une allure préférée sans aller réellement chercher les zones fortes et sévère.

Pour autant, il faut être certain de la fiabilité de la sensation facile, moyenne et dure afférentes à ces modifications physiologiques et affectives. L’entraînement à la sensation nécessite de savoir courir réellement à allure « facile » mais également savoir « rentrer dans le dur » et ne pas se mentir à soi-même en se satisfaisant d’une séance en dedans qui serait « compensée » par du volume kilométrique à allure moyenne ni modérée, ni dure ni sévère (pour nous que nous appelons « dure » dans la méthode BillaTraining et dont nous avons vérifié la fiabilité de la correspondance des zones avec nos collègues Italiens, Giovanelli et al., 2019).

La recherche ultérieure vise à explorer des compromis entre la prescription physiologique idéale et une prescription comportementale gérable, afin de permettre une adhésion suffisante aux programmes d’exercice. Des approches basées sur l’affect sont proposées pour aider les individus à réguler leur intensité d’exercice et à maximiser le plaisir tout en minimisant l’inconfort. Les différences individuelles dans la préférence et la tolérance à l’intensité de l’exercice jouent également un rôle important dans la variabilité des réponses affectives.

Figure 1 : Représentation schématique de la relation dose-réponse entre l’intensité de l’exercice et les réponses affectives.

Dans le graphique ci-dessus, nous observons une représentation schématique de la relation dose-réponse entre l’intensité de l’exercice et les réponses affectives. Cette relation est caractérisée par différents schémas de réponses en fonction de l’intensité de l’exercice :

1. Réponses agréables homogènes dans le domaine de l’intensité modérée (moderate domain) : Dans cette plage d’intensité, la majorité des individus présentent des réponses affectives agréables et relativement uniformes.

2. Réponses hétérogènes dans le domaine de l’intensité élevée (Heavy Domain) : À mesure que l’intensité de l’exercice augmente, les réponses affectives deviennent plus variées. Certains individus signalent des améliorations dans leur état émotionnel, tandis que d’autres ressentent des baisses.

3. Réponses homogènes et désagréables dans le domaine de l’intensité sévère (Severe domain) Dans cette plage d’intensité très élevée, la majorité des individus présentent des réponses affectives désagréables et relativement uniformes.

La théorie du double mode des réponses affectives à l’exercice a été avancée pour expliquer ces phénomènes, suggérant que les réponses affectives sont le résultat d’une interaction entre des processus cognitifs (ce que nous qualifions d’expérience de la course et des compétitions) et des indices intéroceptifs suscités par l’exercice (physiologiques et neurophysiologiques), avec des implications spécifiques en fonction de l’intensité de l’exercice.

Donc, oui le ressenti affectif, les émotions positives ou négatives que nous procurent une zone d’intensité d’effort va influencer notre dosage d’allure et notre pacing en nous renvoyant à des émotions vécues à chaque allure dans des expériences passées. 

La figure 2 illustre bien ce propos : Où AL est la charge affective (affective load), et E les émotions. A chaque instant nous arbitrons entre le fait d’accepter cette charge affective et de tenir zone d’intensité perçue (facile, moyenne, dure), ou bien de diminuer cette charge affective en décélérant.

Toute la difficulté est de savoir « s’écouter » dans notre choix des allures sans tomber dans la facilité. C’est certainement pour cela que les cardio GPS ont tant de succès car ils nous donnent l’impression d’avoir un critère de validation objectif de nos choix d’allure par des zones de vitesses et de fréquence cardiaque. Pour autant, ces zones ne sont certainement pas celles déterminées par des tests comme le VAMEVAL qui procède par augmentation de la vitesse par paliers de 1 à 3 minutes. Le vrai challenge et de suivre des indications de sensations aussi précisément que possible quel que soit note état affectif et émotionnel du jour. Et, cerise sur le gâteau, le suivi de cette bijection entre les sensations de votre athlète et les données du cardio GPS peuvent vous permettre de révéler un état de sur entraînement ou de « flemmardise » chronique » qu’il faudra peut-être rapprocher d’une possible baisse de la motivation. Là est le secret du coach, varier les séances avec des codes couleurs de sensation (vert à rouge) plutôt que des séances sanctions comme les intervalles training du genre : le mardi 4 * 1000m en 3min30 récup 400m rotés en 2 min et/ou le jeudi : 15 fois 200m en 37s récup 200m trotté. Le 30s-30s ou 15s-15S sur un mode « vite lent vite » était déjà plus ludique et moins censeur et un pas vers l’entraînement à la sensation.

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